J'aime la Mer. Elle offre à l'humain un reflet de beauté, de son immensité insondable. C'est un horizon. Mais l'Océan est plat, sans surprise, prévisible même dans ses semblants de remous. Je préfère ses tempêtes à sa répétitions écœurante du cycle des vagues qui s'écrasent inlassablement sur les plages. Vous pouvez mentir aux vagues, jouer avec elles, dire que vous êtes fort. Seule la tempête rattrape vos rêves.
A la montagne, vous ne pouvez pas tricher. Chaque seconde est un combat contre vous-même. Aucun béton pour arrondir votre marche, pas de réseau pour vous montrer quoi dire, quoi penser, quoi faire ; pas de technologies pour aseptiser votre vie. Pour faire écran entre vous et vos sens. Derrière le virage, c'est l'inconnu, le danger, la liberté. La montagne est imprévisible : on s'écorche car elle coupe, ripe, perce, transperce nos êtres. Pas de podomètres pour sentir à votre place la fatigue. Vous sentez déjà tout par vous même, absolument vivants. Même l'air pure nous fait prendre conscience d'un acte aussi simple que respirer.
Je vois chaque jour notre époque nous déposséder de nos corps : on vole et capitalise les sensations, les relations. On ne sent plus que le vide. Jusqu'à ce qu'il faille se blesser, se pincer, être malade pour se sentir vivant, pour ressentir dans nos entrailles ce miracle de la vie.
La Montagne, c'est un peu la zone du Dehors, adieu sécurité, contrôle, vous voilà libre d'arpenter le chemin que vous aurez vous même tracés. Car il n'y pas plus noble que la route que l'on se forge soi-même. Au cœur des glaciers, sur les sommets du monde, personne pour regarder, jauger, juger, mentir sur votre valeur, seule la montagne se fait juge, et elle offre à tous sa beauté. Peut-être demande-t-on sécurité par peur de la liberté.
Fut un temps ou vivre c'était survivre. A nous aujourd'hui de réinventer ce que vivre doit -être.